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Histoire du Monument aux Morts de

Hendaye

par Pierre Ghigliazza et Robert Harté


Novembre 2012


 

 

SOMMAIRE


                             Un projet dessiné  dès décembre 1918

                             Une décision en mai 1919
                                  … remise en cause après les élections municipales de décembre 1919 …
                                  … et un nouveau projet lancé en 1920 qui aboutira
                             L'emplacement choisi
                             Le financement du projet
                             Les commandes et les travaux
                             Une attention particulière portée au groupe sculptural en bronze
                             La polémique sur la signature des architectes
                             L'inauguration du Monument eut lieu le dimanche 18 décembre 1921
                             Les 98 noms inscrits sur le Monument aux morts de la Grande Guerre
                             Après l'inauguration du Monument
                             Une commémoration toute particulière en 1936
                             Une extension du monument après la Seconde Guerre Mondiale
                             Erection d’une stèle “Croix de Lorraine”
                             Intégration du jardin de la villa Apollonie à l’espace vert du Monument
                             Le Monument aux Morts aujourd’hui

    


 

 


Histoire du Monument aux Morts de Hendaye

 

Le dimanche 2 août 1914, la France décrète la mobilisation générale. À quatre heures de l'après-midi, tous les clochers de France font entendre le sinistre tocsin. C’est le début de ce que l’on appellera “La Grande Guerre”.


« Par décret du Président de la République, la mobilisation des armées de terre

et de mer est ordonnée, ainsi que la réquisition des animaux,

voitures et harnais nécessaires au complément de ces armées »



Pour la première fois depuis la Révolution et l’Empire, la guerre devient une affaire de masse impliquant chaque citoyen dans la défense du territoire. Plusieurs millions de conscrits de 1914 à 1918 viennent ainsi rejoindre leurs aînés de l’armée de réserve, de l’armée territoriale et de la réserve de l’armée territoriale.*
 
Comme tous français, les Hendayais sont appelés sous les drapeaux. Ils combattront sur plusieurs terrains d’opérations, en Alsace, dans la Marne, dans la Somme, à Charleroi, à Verdun, etc. Beaucoup d’entre eux ne reviendront pas au pays.

Conscrits hendayais de 14-18 * 


Cette guerre qui éclate à l’été 1914 devait être courte selon les états-majors, à tel point que les soldats pensaient être rentrés chez eux pour la Noël. Mais elle va durer plus de quatre ans.


La Première Guerre mondiale s’achève par l’Armistice du 11 novembre 1918. La France compte et pleure ses morts. C’est le temps du recueillement. Chaque ville pense à ériger un monument commémoratif de ses enfants morts pour la Patrie. Hendaye réalisera elle aussi son monument.

Un projet dessiné dès décembre 1918

 

Une lettre du 7 décembre 1918, adressée à “Mon cher oncle”, présente une conception de monument à Hendaye :
 “…. Le piédestal a une base de 2 m au carré, une hauteur de 1m58 surmonté d'une colonne brisée de 0m44 de diamètre et 1m70 de hauteur, ce qui donne une hauteur de 3m28 au monument. Le monument repose sur un plan en pierre de 4m90 au carré entouré sur 4 côtés d'une clôture avec bornes en pierre reliées de chaînes en bronze par exemple…. L'idée du monument, c'est la colonne qui représente l'espoir brisé et la palme qui est adossée représente l'offrande du pays matérialisant la reconnaissance et si on peut dire la récompense du suprême sacrifice …. Plus bas le "A nos morts glorieux 14-18" est entouré du rameau d'olivier tenu par des cornes d'abondance d'où sortent des lauriers qui font une ceinture au monument. Sur 3 autres faces, 3 plaques où sont les 80 noms. Le monument n'étant pas très grand, je me demande s'il ne serait pas un peu mesquin sur la place. Dans ce cas, est-ce qu'il ne pourrait pas avoir une place d'honneur au milieu du cimetière. Ce ne serait pas la 1ere fois que ça se serait fait .…” [1]

 

Aucune suite ne fut donnée à ce projet dont le concepteur et le destinataire restèrent anonymes.




Projet du 7 décembre 1918, peut-être destiné à la place de la République



Une décision en mai 1919 …. 

 

Dans une Séance extraordinaire du Conseil municipal de Hendaye, le 15 mai 1919, sous la présidence du maire [2], le docteur Ferdinand Camino*, le Conseil  a examinéles plans d'un monument à élever sur l'une des places publiques de Hendaye, en souvenir des enfants de la ville morts pour la Patrie et en commémoration de la grande victoire remportée par la France au nom du Droit, de la Justice et de la Liberté”, dressés par Edmond Durandeau*, architecte de la ville et le célèbre peintre espagnol Ignacio Zuloaga*.
 
Ignacio Zuloaga, après deux voyages d'étude à Hendaye, a émis l'avis suivant :La grandeur du souvenir, la beauté du site, la piété de l'objet, s'harmoniseraient mal avec l'érection d'un groupe sculptural isolé, si patriotique ou triomphal qu'il fût. Le peuple basque, vivant au milieu de deux grandes perspectives, la montagne et la mer, s'est rencontré de toute antiquité avec les Grecs et les Romains pour rechercher, dans l'érection de petits sanctuaires appelés ermitas, la consécration de souvenirs de piété et de gloire de sa vie publique”. [3]
  

  



Portrait de Ignacio Zuloaga en 1925


Fidèle à ses traditions, Ignacio Zuloaga a conseillé la construction d'un bâtiment imité des ermitas basques dans lequel serait placé un bas-relief en céramique, de sa composition, dont il s’offre à doter la ville de Hendaye au prix coûtant de sa facture. Ce bâtiment serait, dans la pensée du grand maître, la synthèse de deux grandes idées : la fréquentation du peuple dans le sanctuaire du souvenir.
 
Edmond Durandeau s'est mis à l'oeuvre et après un voyage aux ermitas espagnoles de Biscaye, a soumis plans et devis à l'assemblée municipale.
 
Qui plus est, Bernard Haramboure, l'un des plus importants entrepreneurs de la ville, démobilisé après cinq années de front en première ligne, présentait une offre en son nom et en celui d'un groupe d'ouvriers, tous poilus démobilisés, pour la construction amiable de ce monument aux prix et conditions du devis d’Edmond Durandeau.
 
Le Conseil vota à l’unanimité la construction de ce Monument qui devait coûter environ 45 000 francs, et être financé par une souscription (22 000 frs), le reliquat des œuvres de guerre (7 000 frs) et les boni au ravitaillement (16 000 frs), et donc sans faire appel aux finances de la ville.
 
... remise en cause après les élections municipales de décembre 1919 ... 

 

Élu maire le 19 mai 1912, Ferdinand Camino est en fin de mandat. Les élections de l’année 1919 verront s’installer un nouveau Conseil municipal qui élira Jean Choubac* maire de Hendaye, le 10 décembre 1919. [4]
 
Le dossier d’érection d’un Monument aux morts fut alors réouvert.
On évoqua
un premier projet de monument mesurant 36 mètres de long sur 14 mètres de large et comportant dans toute son étendue, au sous-sol, une salle de réunions publiques, qui n'avait pu être accepté par le Conseil Municipal nouveau, à cause de son étendue, de sa forme bizarre, et surtout de l'impossibilité de lui trouver un emplacement suffisant.
 
Si un comité avait bien été formé pour rechercher les moyens d’aboutir par voie de souscriptions, dons, boni au ravitaillement ou fêtes, pour faire face à la dépense de 45 000 frs, il s’avéra que le vote de ce budget avait eu lieu indépendamment de toute décision de celui-ci sur l’emplacement, la forme du projet et le montant du devis. Par ailleurs, la hausse des matériaux et des salaires n’avait pas été anticipée.
 
La nouvelle municipalité,
“ne sachant pas exactement quel emplacement communal pouvait être réservé à ce projet de monument, mesurant 36 mètres de longueur sur 14 mètres de largeur et peu favorable à la pensée qui l'avait conçu, écarta ce projet bizarre, où le culte du souvenir de nos grands Morts se serait constamment heurté à des manifestations” * . [5]
 
Accepté dans un premier temps, le projet d’Edmond Durandeau et d’Ignacio Zuloaga fut donc abandonné.
 

 et un nouveau projet lancé en 1920 qui aboutira

 

Le monument, élevé à la Mémoire des enfants de Hendaye, devait avoir un cachet vraiment français, et être financé par les seules ressources du pays. C’est pourquoi, le Conseil Municipal sollicita le concours de M. Henry Martinet*, architecte paysagiste, Conseiller Municipal, et celui de M. Louis Adamski*, architecte de la Ville.


 


 Espace Gunea, sur le port de Hendaye, à la mémoire de Henry Martinet 1867-1936


Ils soumirent au Comité un projet comprenant “une partie sculpturale et une partie architecturale : une œuvre en bronze du sculpteur bien connu M. Paul Ducuing*, représentant la France très dignement assise, tenant sur ses genoux un poilu expirant, entouré d’un ensemble hémicycloïdal en granit rose de Biriatou, supportant les inscriptions des noms et prénoms de tous les soldats morts ou disparus pour la France. Et au-dessus, en grandes lettres, cette épitaphe “Aux enfants de Hendaye, morts pour la Patrie”. Le monument, disposé sur un tertre de 0m60 environ, au-dessus de la haute falaise du Vieux Fort, devait mesurer 6 mètres de long, sur 4 mètres de hauteur”. [6]

 

Le 13 octobre 1920, le Comité approuva à l'unanimité l'emplacement choisi, le projet de Monument qui lui était soumis et affecta à son érection les sommes disponibles.


Visa du président du Comité du Monument, maire de Hendaye, le 13 octobre 1920



L’emplacement choisi

 

Le terrain communal où serait implanté le monument avait été soigneusement sélectionné. Le Comité avait approuvé à l’unanimité le lieu choisi. Ce serait sur l’emplacement du Vieux Fort, entre la baie et le boulevard de la Plage, l’actuel boulevard du général de Gaulle. Le plan ci-dessous, dessiné le 20 septembre 1920, en atteste. [7]


Plan de l’emplacement du Monument, dressé le 20 septembre 1920

 


Le financement du projet

 
Dès le début de l’année 1919, on se préoccupa de rassembler toutes sortes de financements au profit d’un futur monument, car on partait du principe que cette réalisation ne devait pas grever le budget de la commune. 
 
Un document de la Ville fait état d’“une soirée récréative donnée le 5 janvier 1919 en la coquette salle du cinéma par les jeunes gens des classes 1920-1921, sous le bienveillant patronage de la municipalité, et avec le concours des éminents artistes Madame Hersant et Monsieur Pellegrin, qui a été des plus fructueuse.
La recette brute, en effet, s’est élevée à la somme de 1.570f,35, sur laquelle ont été prélevés les frais les plus réduits s’élevant à la somme de 170f,35.
Le reste net de 1.400 frs a été transformé en bons de la Défense Nationale, valeur nominale 1.470 frs à échéance du 16 janvier 1920.
Ces bons ont été remis à un délégué de la municipalité chargé de recevoir les dons et souscriptions destinés à l’érection d’un monument commémoratif aux Enfants de Hendaye morts pour la Patrie”.[8]
 
Une note de la Ville en date du 4 mai 1920 présente “les pièces comptables de ravitaillement remises le 9 février 1920 à la mairie par M. Duhart Victor avec un versement de 16.778 frs opéré à la caisse du Receveur Municipal le même jour, comme reliquat ou boni des opérations de ravitaillement de novembre 1918 à novembre 1919”.[9]
 
Des souscriptions publiques furent ouvertes, des dons de particuliers furent recueillis. Nos voisins d’Irun apportèrent une contribution financière particulièrement appréciée, comme en témoigne cette lettre du 27 octobre 1920 [10], adressée par le maire d’Hendaye Jean Choubac à Léon Iruretagoyena*, négociant, ancien maire d’Irun :
 
“Monsieur,
         Au nom du Comité du Monument et celui du Conseil Municipal de Hendaye, je vous remercie vivement du reliquat de 235 frs. que vous avez bien voulu me faire remettre par M. Lannepouquet, premier adjoint, et que avec les 1.700 frs. que vous m'avez déjà remis, forme la somme totale de 1.935 frs. que j'ai reçue de vous, au nom de la ville d'Irun.
Je vous prie, de transmettre mes meilleurs remercîments à tous les généreux donateurs de cette ville, et d'agréer, Monsieur, l'expression de mes sentiments reconnaissants et très distingués.
         Le Maire
        Jean Choubac”

 
Les divers éléments financiers contributifs du projet se mettaient progressivement en place, en particulier une souscription publique.
Sur la base de propositions et d’hypothèses de recettes publiques, le Comité “affecta à l’érection du monument les sommes disponibles provenant :
    1°) 18.000 frs. environ du produit de souscriptions publiques, somme déposée entre les mains du Trésorier ;
    2°) 16.778 frs du produit du ravitaillement, versé au Trésor, et destiné par délibération du Conseil Municipal et du Comité, au même objet.
    3°) 1.800 frs. produit de dons particuliers”.[6]

 

 

Les commandes et les travaux

 

Parallèlement, les commandes se précisaient, qu’il s’agisse de la partie sculpturale ou de la partie architecturale.

 

La sculpture envisagée était un groupe représentant “La France tenant un poilu expirant”. Paul Ducuing avait réalisé un modèle en plâtre [11] qu’il convenait de transformer en une sculpture en bronze.    

 


 

Modèle en plâtre de la sculpture de Paul Ducuing



Pour réaliser cette sculpture en bronze, Paul Ducuing s’adressa à la Maison Barbedienne, fondée en 1834, qui fut l’une des plus importantes entreprises de bronzes d’art en France au XIXe siècle.
Le fondateur de la Maison, Ferdinand Barbedienne (1810-1892), fut un des grands bronziers de son époque.

        

Portrait de Ferdinand Barbedienne

    par Thomas Couture


 

Après sa mort en 1892, n’ayant pas de descendants directs, c'est son neveu Gustave Leblanc-Barbedienne qui développa la fonderie en se spécialisant dans les bronzes monumentaux. Ceci explique l’en-tête du devis [12] qui fut adressé à Paul Ducuing, statuaire, le 30 juillet 1920.

 



Devis pour exécution en bronze, suivant modèle plâtre, d’un groupe

“La France tenant un Poilu expirant”



Paul Ducuing s'engagea donc, le jour même, à céder ce groupe à la Commune, au prix le plus avantageux de 25.000 frs. rendu franco en gare de Hendaye.
Le mois suivant, la mairie de Hendaye lui commanda officiellement la sculpture en lui faisant parvenir ce courrier [13] :   

 

                                               “23 août 1920

À M. Ducuing Statuaire

20 bis rue Pierre Nicole - Paris

Monsieur,

Le Comité de Hendaye, du monument commémoratif aux “Morts pour la France”, s’est réuni le 21 courant, et a décidé à l’unanimité de réaliser l’achat de votre groupe “La France tenant un poilu expirant”, en bronze, rendu en gare de Hendaye pour le prix forfaitaire de frs : 25.000, selon votre note du 30 juillet 1920.

Au nom de ce Comité, j’ai l’honneur de vous notifier cette décision et de vous prier de bien vouloir faire procéder avec le plus grand soin à l’exécution de ce groupe.

Comme bien vous le pensez, ce travail nous tiendra à cœur et nous serons heureux d’en connaître la marche.

Veuillez agréer, Monsieur Ducuing, l’assurance de nos sentiments bien respectueux et très distingués.

Le secrétaire du Comité                                      Le président du Comité

Signé : L. Ithurria                                               Maire de Hendaye : J. Choubac”


 

L’autre volet du Monument concernait la partie architecturale qui nécessitait l’appel à différents corps de métiers. On avait très tôt “estimé que son coût atteindrait sans doute le chiffre de 20.000 frs”. C’est Louis Adamski qui fut chargé de dresser rapidement un devis estimatif.

 
Le devis approximatif [14] pour la construction du Monument aux morts de la Grande Guerre, dressé le 23 septembre 1920 par l’architecte Louis Adamski, fait état d’un montant de 25.503,83 Frs.  Il détaille de manière très précise les coûts attendus relatifs aux fouilles, au béton, à la maçonnerie ordinaire, aux pierres de taille, au dallage et aux inscriptions. Il rappelle également qu’il conviendra d’ajouter les 25.000 Frs du groupe sculptural pour atteindre un total de 50.503,83 Frs. 
 
Vers la fin de l’année 1920, Henry Martinet se préoccupa de la préparation des détails à graver sur le Monument aux morts. C’est ce que révèle un courrier en date du 8 novembre 1920 [15] qu’il adresse à Monsieur Choubac, maire de Hendaye et dans lequel on peut lire : “… Je m’occupe de la préparation de tous les détails à graver pour le tailleur de pierre du Monument aux morts ; à cet effet, et pour éviter toutes fausses manœuvres, je viens vous prier de vouloir bien apporter avec vous en venant à Paris, la liste complète des morts dont les noms seront insérés sur le monument. Voulez-vous également demander aux combattants quels sont les noms de batailles ou de régions, qui devront être rappelés sur les deux pilastres qui encadrent le monument. Il s’agit de choisir, parmi tant de noms devenus célèbres, ceux des lieux où les troupes de la région du Sud-Ouest se sont le plus signalées…”. 

 

Les travaux se poursuivirent tout au long de l’année 1921, après le choix d’un entrepreneur de la localité. Un extrait du registre aux délibérations du  Conseil municipal de Hendaye [16] délivre ce choix qui fut entériné dans une séance ordinaire du 8 avril 1921 : “En vue de l'exécution des travaux de terrassement, de maçonnerie et de pose de la pierre de taille du monument aux morts pour la France, M. le Maire, conformément à la délibération du Conseil Municipal en date du 9 Mars 1921, a fait remettre une copie du devis estimatif et du cahier des charges des dits travaux, à 7 entrepreneurs de la localité, les invitant à présenter leurs propositions d'adjudication. Un seul a répondu à cette invitation : c'est M. Haramboure, Bernard, entrepreneur de travaux publics à Hendaye, qui a proposé l'exécution des dits travaux moyennant un rabais de deux pour cent (2%) sur un devis de Frs: 7.754,80.
         En conséquence, la Commission municipale du monument a déclaré M. Haramboure, adjudicataire de ces travaux”.

 

Le 3 mai 1921, lors d’une nouvelle séance ordinaire [17], le Conseil municipal ouvrait au budget supplémentaire de 1921 la somme destinée à couvrir l’ensemble des dépenses pour l’érection du Monument aux morts :

 

“Le Conseil :

Vu sa délibération en date du 13 octobre 1920 ;

Considérant que les travaux d'érection d'un monument aux morts pour la France sont en voie d'exécution et seront très prochainement achevés ;

Qu'il y a lieu d'acquitter sans retard les dépenses engagées ;

Délibère :

1°) Confirme son vote de la délibération sus-visée, approuvant les dépenses de travaux et fournitures s'élevant à Frs : 50.503,83, dont 25.000 à M. Ducuing, auteur du groupe en bronze : "La France tenant sur ses genoux un poilu expirant".

2°) Dit ouvrir au budget supplémentaire de 1921 un crédit de pareille somme de Frs : 50.503,83, destiné à couvrir ces dépenses.

3°) Vu l'urgence, demande à M. le Préfet l'autorisation d'acquitter ces dépenses avant l'approbation du dit budget supplémentaire de 1921”.

 

         Les entreprises impliquées dans cette construction furent pendant cette période plus ou moins pressantes auprès de la municipalité de Hendaye pour couvrir leurs frais.
Ce fut par exemple le cas de Paul Ducuing qui avait pris, pour la réalisation de sa sculpture, des engagements vis-à-vis de son fondeur, comme en témoignent ses deux courriers au maire du 6 février 1921 [18] et du 25 avril 1921 [19] :

 

        

“Paris, le 6 Février 1921

Monsieur le Maire,

Ayant eu à verser au fondeur dix mille francs pour confirmer la commande de l'exécution du groupe en bronze destiné aux Enfants Morts pour la Patrie de votre Ville, j'avais prié Monsieur Martinet de vous demander de me couvrir de ces frais.

Je sais combien Monsieur Martinet est occupé, et il n'a certainement plus pensé à vous en dire mon mot. Le monument étant très avancé le fondeur me prie de lui verser une deuxième somme conformément à mon accord ce que je vais faire.

J'espère pouvoir faire l'expédition du groupe le 20 Mars pour Hendaye.

Veuillez croire, Monsieur le Président, à l'expression de ma haute considération.

                                    Signé : P. Ducuing”

 

“Paris, le 25 Avril 1921

Monsieur le Maire,

Je suis navré Monsieur le Maire que votre silence ait eu pour cause le décès de vos parents. Je vous prie d'agréer mes condoléances bien sincères.

N'ayant reçu aucune nouvelle de l'expédition du groupe, je craignais qu'il se soit égaré.

Au sujet du paiement vous avez établi vous-mêmes, Monsieur le Maire, les conditions du contrat, puisque vous avez pris livraison du groupe, de mon côté les conditions sont remplies.

Je vous prie donc de me faire parvenir un acompte de quinze mille francs et le solde sous peu. J'ai pris des engagements avec mon fondeur et je suis obligé de les tenir ou de lui payer des intérêts.

Veuillez croire, Monsieur le Maire, à mon entier dévouement.

                                    Signé : P. Ducuing”

D’autres attendirent un certain délai, comme l’entreprise de papiers peints Th. Labranque* de Bayonne qui avait doré à l’or fin les inscriptions du monument et qui présenta sa facture [20] en août 1922 :

        

“ Bayonne, le 1 août 1922

Doit :

Monsieur le Maire de la Ville de Hendaye,

Dorure à l’or fin ½ jaune vif des diverses inscriptions au monument des enfants de Hendaye morts pour la Patrie

Prix convenu à forfait 1000f00

Th. Labranque”


Après la construction, certains frais ne furent pas recouvrés par les intervenants qu’il s’agisse de prestations fournies à titre gracieux ou offertes à titre de dons.

C’est le cas des honoraires de Henry Martinet et Louis Adamski et de M. Pécheu, fabricant de chaux à Béhobie [21] :

         

“ Hendaye, 20 février 1922

Monsieur le Maire

Hendaye

J'ai l'honneur de vous remettre ci-inclus, les mémoires des travaux exécutés par Mr Haramboure pour la construction du monument aux morts.

Conformément aux engagements que nous avions pris M. Martinet et moi, nous abandonnons au profit du monument les honoraires dûs pour ces travaux, honoraires qui s'élèvent à la somme de  Frs 537 ,74.

Je vous signale également que M. Pucheu, fabricant de chaux à Béhobie a fourni à titre gracieux les 137 sacs de chaux nécessaires à la construction du monument. Leur valeur est de  Frs 513,75.

Veuillez agréer, Monsieur le Maire, l'assurance de mes sentiments dévoués.

                                   Signé : Adamski”


C’est aussi le cas de l’entreprise de charpente et menuiserie de J.-P. Etchecoin [22] à Hendaye-Plage qui avait construit une baraque destiné aux tailleurs de pierre du monument :

 

“Hendaye, 22 février 1922

Monsieur Adamski, Architecte

Hendaye

 

Monsieur,

Je vous avais remis un mémoire en date 17 février 1921 pour construction d’une baraque destinée aux ouvriers tailleurs de pierre du monument et se montant à Frs 329,55.

Depuis j’ai pris possession de tout mon matériel que vous avez bien voulu me remettre.

J’estime donc mon nouveau mémoire (main d’œuvre et louage) à la somme de 74frs.00

Soit 30 heures ouvriers à 1.80  = 54.00

Louage estimé                        = 20.00

Je vous prierai de vouloir bien être mon interprète auprès du Comité lui faisant savoir que je laisse cette somme comme don pour cette œuvre.

Veuillez agréer Monsieur Adamski mes empressées salutations.

                                   Signé : Etchecoin

 

De même, les peintres de l’Union Ouvrière Larrey Biénabe Minvielle de Hendaye qui ont peint les lettres des noms des morts, des batailles et des régions sur le monument ont fait don à la commune du montant des travaux exécutés en octobre 1921, qui s’élevait à 234.75 Frs (1565 lettres à 0.15 frs). [23]


Une attention particulière portée au groupe sculptural en bronze

           

De Paris, Paul Ducuing se maintint régulièrement en contact avec la municipalité, pour informer sur les délais de fabrication de sa sculpture en bronze et s’inquiéter des conditions de sa livraison à Hendaye.
Le 22 mars 1921, il adresse un courrier [24] annonçant pour le lendemain l’expédition en train du groupe en bronze et mentionne son intention d’assister, le moment venu, à sa mise en place :


“Paris, le 22 Mars 1921

Monsieur le Maire,

Le groupe en bronze sera expédié demain après-midi pour Hendaye (franco). J'ai donné les ordres plus précis à la maison Barbedienne pour que l'emballage soit particulièrement soigné pour qu'il ne subisse aucune avarie.

En gare d'Hendaye, après avoir constaté le bon état de l'envoi, je vous engage vivement à le laisser emballé jusqu'au moment de la mise en place sur le socle.

Veuillez me croire, Monsieur le Maire, votre bien dévoué.

P. Ducuing

P.S. : au moment de la mise en place, je vous prierai de m'en prévenir, j'irai moi-même y assister”.


Un mois plus tard, n’ayant pas de nouvelles, il s’inquiète toujours par courrier [25] du bon état de livraison de sa statue :

 

“Paris, le 19 Avril 1921

Monsieur le Maire,

N'ayant plus de nouvelles du groupe en bronze que je vous ai fait adresser depuis bientôt un mois, je vous serais bien obligé de me dire si la gare en a fait la livraison et s'il n'y a pas eu d'accident de route.

Je vous prie, Monsieur le Maire, de me dire ce qui en est et veuillez croire à mon entier dévouement.

P. Ducuing”

 

Malheureusement, il ne pourra pas, comme il l’avait prévu, être présent pour l’inauguration du monument. Les travaux ont pris du retard et Paul Ducuing va être envoyé en mission en Indochine par le Gouvernement pour réaliser des bustes de personnalités. C’est ce qu’il écrit au maire de Hendaye le 26 juillet 1921, dans un courrier [26] où il décrit par le menu les modalités pratiques de la mise en place du groupe sculptural, qu’il faudra respecter en son absence :

 

Sèvres*, le 26 juillet 1921

Monsieur le Maire,

Je pensais pouvoir assister à l’inauguration de votre monument mais le retard apporté à l’inauguration m’empêchera malgré mon vif désir d’être présent.

Je suis envoyé par le Gouvernement en mission en Indo-Chine pour faire les bustes du roi du Cambodge, de l’empereur d’Annam, de Monsieur Long Gouverneur général et d’autres personnages qui doivent figurer au Musée Colonial de l’Exposition d’Indo-Chine de Marseille, l’année prochaine.

Comme vous le pensez, Monsieur le Maire, mon absence sera de 4 ou 5 mois et je pense bien que l’inauguration sera certainement faite à mon retour.

Pour mettre le groupe en place le charpentier va le mettre sur son socle ; il suffit une fois amené près de l’endroit qu’il doit occuper d’enlever l’emballage et de le faire glisser avec soin sur sa base. S’il y a de la poussière le faire laver à grande eau avec une éponge simplement.

Le bronze se fixe sur sa base par deux ou trois gougeons en bronze que vous trouverez dans l’emballage qui se vissent dans la partie inférieure du groupe. Il suffira de faire des trous à la demande de la place de ces gougeons, de les remplir de ciment liquide et de laisser retomber le groupe. Le ciment se bloquera en faisant sa prise autour des gougeons et le groupe sera ainsi fixé sur son socle.

Voilà, Monsieur le Maire, les quelques explications utiles pour ce travail et si l’inauguration avait eu lieu avant mon départ j’aurais eu du plaisir à vous éviter ces ennuis.

Avec tous mes regrets, Monsieur le Maire, de ne pouvoir assister à votre inauguration qui sera des plus brillantes et aussi mes regrets de manquer cette occasion de vous retrouver.

Croyez Monsieur le Maire à mon entier dévouement.

P. Ducuing”

 

Les photographies ci-dessous représentent les bustes en bronze du roi du Cambodge, S.M. Sisowath Monivong et de l’empereur d’Annam, S.M. Khai Dinh, sculptés par Paul Ducuing, ainsi que Maurice Long, qui fut Gouverneur général de l’Indochine de février 1920 à avril 1922, dont il réalisa la sculpture durant sa mission en Indochine, comme il le mentionne dans son courrier.

 

 

   
 Buste de S.M. Sisowath Monivong, roi du Cambodge Buste de S.M. Khai Dinh, empereur d'Annam Maurice Long, Gouverneur, général de l'Indochine avec le maréchal Joffre, à Hanoï en 1922 


La polémique sur la signature des architectes       

 

Le Comité du Monument aux morts refusa aux architectes, Henry Martinet et Louis Adamski, le droit de signer leur œuvre sur le monument. Ce qui attira, en décembre 1921, peu de temps avant l’inauguration du Monument aux morts, des réactions très vives de ceux-ci. Henry Martinet adressa plusieurs courriers de protestation à la municipalité.

 

Le 11 décembre 1921, dans une lettre à Jean Choubac [27], il prend acte du refus du Comité et de la délibération dans le même sens du Conseil municipal. Il lui déclare qu’il décline l’invitation à assister à l’inauguration du monument et menace de démissionner du Conseil municipal : 


“Paris, le 11 Décembre 1921

Cher Monsieur Choubac,

En même temps que je recevais, de M. Ithurria, Secrétaire du Comité du Monument aux Morts de Hendaye, l'avis que le dit Comité refusait, à M. Adamski et à moi, le droit de signer notre œuvre, j'étais informé des conditions dans lesquelles le Conseil Municipal avait, lui-même, délibéré sur le même sujet.

Par la copie de ma réponse à M. Ithurria, que je vous envoie, ci-inclus, vous connaitrez la décision que j'ai prise, conforme, du reste, à celle de mon confrère, M. Adamski.

Je crois inutile de rien ajouter à cette lettre; mais vous me permettrez, en raison du procédé injurieux employé à mon égard, de décliner l'invitation que vous m'avez adressée -et que j'avais déjà acceptée- d'assister à l'inauguration du Monument.

L'hostilité manifestée, toutes les fois que l'occasion s'en présente, tant vis-à-vis de moi, que vis-à-vis de la "Foncière", par un certain nombre de nos collègues, me donne à réfléchir, très sérieusement, sur la possibilité, pour moi, de continuer à faire partie du Conseil Municipal. Je vous communiquerai, dans quelques jours, à Hendaye, la décision que j'aurai cru devoir prendre, à ce sujet.

Cette lettre n'a pas pour objet de provoquer une nouvelle discussion, au sein du conseil Municipal, qui n'a pas jugé nécessaire de m'adresser aucune communication au sujet de la délibération qu'il a prise, en ce qui me concerne. Je considère, en effet, pour ma part, l'incident du Monument clos.

Veuillez agréer, cher Monsieur Choubac, avec mes vifs regrets, l'assurance que mes sentiments vous restent personnellement tout dévoués.

            H. Martinet”

           

Il joignait à cet envoi la réponse faite à M. Ithurria [28], secrétaire du Comité du Monument aux morts, dans laquelle il notait une confusion des membres du Comité entre les termes d’“inscription” et de “signature” et mentionnait que Paul Ducuing avait fait figurer sa signature sur le groupe en bronze :  

 

“le 11 Décembre 1921,

Cher Monsieur Ithurria,

En réponse à votre lettre du 9ct, permettez-moi de vous faire remarquer que le Comité du Monument aux Morts de Hendaye a commis une erreur manifeste, en confondant une "inscription" avec les "signatures" qui devaient être apposées, modestement, sur un des côtés du Monument.

J'ai conçu le projet de ce monument, et en ai établi les plans, élévations et détails d'exécution. Mon confrère, M. Adamski, en a assuré l'exécution, avec beaucoup de dévouement et de désintéressement; il y a donc eu collaboration amicale et effective, entre nous, et, comme auteurs du Monument, nous avons le droit strict, absolu, reconnu par la loi sur la propriété artistique, de signer notre œuvre, sans même que le Comité puisse s'y opposer.

Mais, veuillez rassurer les membres du Comité à cet égard ; ni M. Adamski, ni moi n'exigerons, en la circonstance, l'exercice de notre droit.

Il ne restera donc, de la décision du Comité, qu'un procédé blessant et injurieux, adopté à l'égard de deux hommes de bonne volonté, qui étaient loin de s'attendre à un pareil ostracisme.

Le Comité hendayais aura, du moins, eu l'honneur d'avoir créé un précédent, car je ne crois pas que, nulle part ailleurs, un Comité du Monument ait jamais refusé à ses auteurs, le droit de signer leur œuvre, même lorsque ceux-ci étaient payés; ce qui n'est pas le cas, ni pour M. Adamski, ni pour moi.

Le Comité va-t-il, aussi, effacer la signature de M. Paul Ducuing, qui figure sur son groupe en bronze ? Je crois qu'il n'aura pas besoin de prendre cette peine, car, sans avoir consulté M. Ducuing, qui n'est pas à Paris, et que je n'ai pas vu depuis de longs mois, je suis persuadé qu'il ne voudra pas rester seul signataire d'une œuvre d'ensemble, dans laquelle -il sera le premier à le proclamer- il n'a pas joué le rôle le plus important.

Vous nous permettrez, toutefois, en raison du procédé employé à notre égard, de réserver tous nos droits de propriété artistique, prévus par la loi, pour la reproduction du Monument.

Veuillez, cher Monsieur, agréer l'expression personnelle de mes sentiments bien amicalement dévoués.

H. Martinet”

 

L’inauguration du 18 décembre passée, la polémique avait repris, Henry Martinet continuant de tenir au maire de Hendaye des propos virulents, mais toujours très argumentés, comme par exemple le 28 décembre 1921 [29] :

 

“Paris, le 28 Décembre 1921

Monsieur le Maire de Hendaye

Monsieur le Maire,

J'ai l'honneur de vous accuser réception de votre lettre du 23 courant, à laquelle était joint un extrait de la délibération du 7 courant.

J'ai le regret de vous signaler que ce procès-verbal ne contient pas moins de trois inexactitudes, qui sont les suivantes :

1° Vous dites que vous communiquez au Conseil une proposition de moi, relative à l'inscription sur le Monument aux Morts de mon nom et de celui de M. Adamski. Or, je n'ai pas fait de proposition au Conseil Municipal, et il ne pouvait me venir à l'idée d'en faire aucune relative à l'exercice d'un droit.

J'avais également indiqué à M. Adamski, dans une lettre particulière visant plusieurs affaires différentes, et qui n'était nullement destinée au Conseil Municipal, l'endroit où devaient être, à mon avis, apposées nos signatures ; emplacement qui, j'avais eu bien soin de le spécifier, ne devait pas se trouver sur la façade du Monument, mais sur un des côtés, de façon à ne faire aucune confusion avec les noms des Morts, ni avec les autres inscriptions figurant sur les pilastres.

M. Adamski a cru devoir, spontanément, et sans me consulter, vous communiquer le passage de cette lettre traitant de cette question ; mais vous reconnaîtrez vous-même qu'il ne peut être dit qu'il s'agissait là d'une proposition faite par moi au Conseil Municipal.

2° Le Conseil a fait remarquer qu'il avait été convenu, en ma présence, qu'aucune inscription ne serait gravée sur la Monument. Or, c'est moi qui avais demandé au Conseil s'il désirait que soit gravée, sur le panneau central du mur du fond, l'inscription suivante, conçue à peu près dans ces termes : "Ce monument élevé par la Commune et les habitants de Hendaye, aux enfants du pays morts pour la Patrie, a été inauguré le ....". Le Conseil a décidé que cette inscription ne devait pas figurer sur le Monument, et je me suis rallié à l'opinion de la majorité; mais je le répète, il n'y a pas lieu de confondre une "inscription" comme celle dont il s'agissait, avec les "signatures" que les auteurs ont le droit absolu, reconnu par la loi, d'apposer sur leur œuvre.

Je n'ai d'ailleurs pas le moindre souvenir que la question de "l'anonymat" ait été soulevée au cours de la séance à laquelle j'ai assisté, car je n'aurais certainement pas manqué de réserver, comme un droit imprescriptible, la question des signatures des auteurs du monument dont je fais, surtout, ici, une question de principe.

3° Le vote du Conseil Municipal, qui délibérait en séance publique, avec le quorum exigé par la loi, n'a pas été "douteux" ainsi que le dit, à tort, le procès-verbal.

En effet, si mes renseignements sont exacts, deux conseillers seulement ont contesté aux architectes le droit de signer leur travail et un seul conseiller s'est abstenu de prendre part au vote. Tous les autres, dont vous-même, M. le Maire, ont émis un avis favorable.

Les voix de tous les  Conseillers municipaux n'auraient-elles donc pas le même poids au sein du Conseil ?

Comme première conséquence de l'ostracisme dont ont été ainsi frappés deux Hendayais, qui ont mis tout leur cœur et tout leur dévouement au service de l'œuvre du Monument, vous avez pu voir, dans la "Dépêche de Toulouse", du 22 courant, une reproduction photographique avec la légende suivante : "Le Monument, œuvre du sculpteur Ducuing", ce qui est faux.

Est-ce là ce qu'a voulu le Conseil Municipal ?

Il me serait facile, par mes relations personnelles à la "Dépêche", d'obtenir une rectification. Je ne la demanderai pas, préférant laisser à mon excellent ami, le sculpteur de grand talent, Paul Ducuing, le soin de proclamer lui-même, lorsqu'il rentrera, en février prochain, de son voyage en Extrême-Orient, qu'il n'est pas l'auteur du Monument, et qu'il est seulement l'auteur d'un groupe conçu par lui, pour une commune du département de la Haute-Garonne, et dont, grâce à nos vieilles et étroites relations d'amitié, j'ai pu obtenir de lui, à un prix avantageux, une réplique, à laquelle j'avais réservé une place, dans mon projet de Monument.

En conséquence, je demande que le procès-verbal de la séance du 7 Décembre soit rectifié, en tenant compte de mes déclarations. Je demande également, que le Conseil Municipal, maintenant qu'il est complètement éclairé sur la question, en soit saisi à nouveau pour qu'il puisse, en toute connaissance de cause, déclarer qu'il conteste encore, à M. Adamski et à moi, le droit de signer notre travail.

Veuillez agréer, Monsieur le Maire, l'assurance de mes sentiments dévoués.                      H. Martinet”

 

Ou encore le 24 janvier 1922 [30], en réaction au nouveau refus du Conseil municipal d’entériner sa demande de rectifications au procès-verbal du 7 décembre 1921 :

 

“Paris, le 24 Janvier 1922

Monsieur Choubac

Maire de Hendaye

Monsieur le Maire,

Dans sa réunion du 30 Décembre dernier, le Conseil Municipal a conclu que ma demande de rectifications au procès-verbal du 7 Décembre dernier n'était pas fondée.

Mes réclamations étaient basées :

1° En partie sur des renseignements contenus dans une lettre qui est en ma possession, et qui s'appuyaient sur des témoignages de personnes ayant assisté à la réunion. J'étais donc fondé à croire, de bonne foi, que ces renseignements étaient exacts;

2° Sur des faits précis qui sont à la connaissance de tous.

Je juge inutile de revenir et d'insister sur ces faits, et bien que je persiste à considérer comme parfaitement justifié le principe de ma demande de rectification, j'accepte, pour en terminer, la rédaction suivante que vous me proposez pour être inscrite au procès-verbal de la séance du 30 Décembre dernier :

“M. le Maire communique au Conseil une lettre de M. Martinet, en date du 28 Décembre 1921 relative aux inscriptions à graver sur le Monument aux Morts pour la France.

Le Conseil déclare qu'il ne conteste pas à l'auteur du projet le droit d'apposer sa signature sur le Monument”.

Permettez-moi simplement d'ajouter, pour reprendre le mot contenu dans votre lettre, que s'il y a quelque chose de "désobligeant" dans l'incident qui s'est produit, c'est bien le fait d'avoir été traité, comme je l'ai été, après avoir collaboré de tout mon cœur et avec un dévouement absolu à l'œuvre entreprise par le Conseil Municipal et le Comité, pour honorer nos Morts de la grande guerre.

Veuillez agréer, Monsieur le Maire, l'expression de mes sentiments distingués.

H. Martinet”

 

Il est vrai que l’affaire était remontée jusqu’au préfet des Basses-Pyrénées Georges Garipuy* qui, le 28 décembre 1921 [31], en réponse à Jean Choubac, maire de Hendaye, donnait de manière catégorique gain de cause à Henry Martinet et souhaitait une solution rapide à ce différend :

 

“Cabinet du Préfet                           Pau, le  28 décembre 1921

         des

Basses-Pyrénées

Mon cher Maire,

En réponse à votre lettre du 26 décembre, j'ai l'honneur de vous faire connaître que l'incident que vous avez bien voulu me signaler est, en effet, très regrettable.

A mon avis, il est incontestable que la demande de M. Martinet est parfaitement justifiée, car il est évident que le nom de l'architecte ou des architectes figure sur tous les monuments érigés dans le pays. M. Martinet n'aurait même pas dû être obligé d'en faire la demande.

La décision première du Comité au sujet des inscriptions ne s'appliquait certainement pas au nom de l'architecte, mais aux inscriptions de la nature suivante: "Ce monument a été inauguré à telle date, en présence de telle ou telle personnalité".

J'ose espérer que ce différend sera très prochainement réglé à la satisfaction générale. Il aurait pu facilement, semble-t-il, être évité et je comprends sans peine que M. Martinet en soit offensé.

Veuillez agréer, mon cher Maire, l'assurance de mes sentiments cordialement dévoués.

                                                                                      Le Préfet

      Monsieur Choubac, Maire d'Hendaye”                     Georges Garipuy

 


Et tandis que les architectes Henry Martinet et Louis Adamski se révoltaient contre cet ostracisme qui les empêchait d’apposer leurs signatures sur le monument, on pouvait vérifier que la signature de Paul Ducuing figurait bien sur son groupe sculptural en bronze …  


 
















Signature de Paul Ducuing, sculpteur, sur le côté du socle du groupe en bronze 

 


… de même que la signature de F. Barbedienne, fondeur de cette sculpture.



Signature de F. Barbedienne, fondeur, sur le côté opposé du socle du groupe en bronze


L’inauguration du Monument eut lieu le dimanche 18 décembre 1921

 

Tout avait été prévu pour que cette inauguration soit une réussite totale, jusqu’au moindre détail.
Le 2 décembre 1921, M. le Maire d'Hendaye écrivait à la ferme Agorreta afin que soit rapidement livré du gravier pour rendre l’accès au Monument aux morts plus facile et plus agréable :

 

“Hendaye, le 2 décembre 1921

à Mr Zapirain

Ferme Agorreta

Le monument aux morts pour la Patrie va âtre inauguré le 18 courant. Tous les enfants d'Hendaye qui ont versé leur sang, y seront à jamais commémorés.

Je viens vous demander de vouloir bien participer encore à cet hommage de la population par un nouveau service: celui de transporter au pied du monument, dans le courant de cette semaine, deux tombereaux de gravier de Subernoa, pour en rendre l'accès plus facile et plus agréable.

Je compte sur votre haut sentiment patriotique et vous en remercie bien sincèrement.

Votre bien dévoué

Jean Choubac”

 

La liste des personnalités invitées à l’inauguration avait été soigneusement dressée. Très circonscrite, elle comprenait :

 

“Mr le Sous-Préfet,

Mr le Colonel Commandant le 41ème RI à Bayonne,

MM les Maires d'Irun et Fontarrabie, Mr le Président de la société française de bienfaisance de Saint Sébastien qui se sont généreusement associés aux souscriptions

Le Maire, le Sous-Préfet, le Colonel ou son délégué, le Président des Combattants, Mutilés et Réformés, peut-être le Président des Vétérans de 70, prendront la parole”.

 

La municipalité avait entériné le refus d’Henry Martinet d’assister à la cérémonie :

 

“M. Henry Martinet, architecte paysagiste, conseiller municipal, dont le fils est sur le monument*, refuse d’assister à la cérémonie.

La raison :

Le comité a refusé aux architectes le droit d’apposer leur signature sur le monument, s’appuyant sur une décision qu’il avait prise qu’aucune inscription ne serait gravée sur le monument, autre que les 98 poilus morts pour la France.

Les architectes avancent le fait que la propriété artistique de l’œuvre leur appartient et qu’à ce titre, leur nom doit être inscrit, comme cela s’est fait dans tous les monuments de France.

Les architectes demandent si le nom du sculpteur M. Paul Ducuing sera effacé de son œuvre”.

 

Le dimanche 18 décembre 1921 eut lieu l’inauguration du Monument aux morts. A la cérémonie religieuse dans l’église paroissiale, succéda un long cortège qui, formé sur la place de la République, se rendit par la rue du Port et le boulevard de la Plage pour se présenter au pied du monument, face à la baie de Txingudi.

 De nombreuses gerbes et couronnes de fleurs furent déposées et plusieurs personnalités prononcèrent de vibrants discours.


 



















 

Monument aux Morts de Hendaye le jour de l’inauguration, le 18 décembre 1921  -  Photo aimablement confiée par Mme Faget       


 

Plusieurs journaux de l’époque éditèrent des articles décrivant les principaux moments de cette journée d’inauguration.
 
L’article de la Dépêche [32], paru dans la semaine du 19 décembre 1921, met l’accent sur l’originalité de la structure du monument et vante le cadre de son emplacement. Une description très détaillée du cortège et de l’assistance précède les extraits des discours d’un grand mutilé de guerre, du maire de Hendaye, du président des Vétérans de 1870 et du sous-préfet de Bayonne :

“HENDAYE. - Inauguration du monument aux morts pour la France

Au milieu d'un grand concours de population a eu lieu, dimanche 18 décembre, l'inauguration du monument élevé à la mémoire des enfants de Hendaye morts pour la France.

Le monument, qui se distingue surtout par son originalité, n'ayant rien de commun avec les monuments élevés dans la région, est formé d'un hémicycle semi-circulaire, concave, en pierre rouge du pays. Au-devant de l'hémicycle, auquel on accède par trois marches, est posé, sur un socle de même pierre, un bronze représentant "la France poétisée par une femme en deuil soutenant un soldat mourant". L'œuvre, primée du dernier Salon, est du sculpteur M. Ducuing. Le plan d'ensemble, architecture, décors, etc., sont le travail de MM. Martinet-Adamski, architectes paysagistes.

Il fallait à cet ensemble architectural, un fond de verdure, un site tranquille, beau et majestueux en même temps, qui prêtât au recueillement dans l'avenir, à l'évocation de pieux souvenirs, douloureux et réconfortants tout à la fois, réconfortants en songeant que, malgré tout, le sacrifice des 98 Hendayais inscrits sur les tablettes de l'hémicycle n'aura pas été vain.

Ce fond de verdure est un des coins de la villa "Apollonie", sur l'esplanade du Vieux Fort, l'endroit à coup sûr le plus pittoresque de Hendaye.

Trois larges allées sablées conduisent au "monument", entouré de cyprès et autres plantes. Sur la droite, un vaste horizon sans fin, la mer, au-devant de cet horizon la "Bidassoa", séparée de la mer par la pointe de sable s'avançant vers Fontarabie, en éperon, surmontée de belles villas, aux murs blanchis, aux toits rouges, dont le style basque s'harmonise très heureusement avec celui des belles maisons bourgeoises du quartier de la "Madeleine", quartier qui n'est que le prolongement vers la mer du vieux Fontarabie.

Un beau ciel, comme on en voit seulement au pays de "Ramuntcho", tel est le superbe décor du "monument aux morts hendayais".

Heureuse, l'idée du monument! Heureuse l'idée de l'emplacement, éloigné des bruits assourdissants et des bacchanales d'une place publique! Entourons nos morts d'un souvenir aussi silencieux que l'a été leur sublime sacrifice.

Après la cérémonie religieuse, le cortège civil s'est formé sur la place de la République. Par la rue du Port et le boulevard de la Plage, le cortège s'est rendu à l'emplacement du "monument". En tête du cortège, ouvrant la marche, les enfants du sanatorium de la ville de Paris, du nid "Marin", les élèves des écoles libres, des écoles laïques, les bras chargés de gerbes de fleurs, le groupe des Vétérans de 70, précédés de leur bannière, groupe des combattants, celui des Mutilés et sa bannière, l'Harmonie municipale exécutant la "Marche de Chopin", les veuves, orphelins de la guerre, parents des disparus et Union des Femmes de France, encadrés d'une garde d'honneur du "Grondeur"; la gendarmerie fermant la marche puis le groupe des personnalités officielles, M. le maire de Hendaye, M. Fauconnier, sous-préfet de Bayonne, M. le colonel du 49e d'infanterie, M. le consul d'Espagne à Hendaye, M. Frappart, doyen, M. le capitaine de gendarmerie.

Au deuxième rang: M. Lannepouquet, premier adjoint, MM. les maires de Fontarabie et d'Irun, M. Estomba, vice-consul d'Espagne, M. Léon Iruretagoyena, ancien maire d'Irun, décoré de la légion d'honneur.

Au troisième rang: le conseil municipal, suivi des chefs de service; M. Bru, directeur du Sanatorium; M. Dartige, receveur des postes; M. l'inspecteur des douanes; M. Fédoux, chef de gare; M. Grammont, lieutenant des douanes; M. Véron, commissaire spécial de police; puis, faisant suite au groupe officiel, les douanes actives en tenue, le groupe des hommes et, fermant la marche, le groupe des femmes.

Devant le monument se place le groupe des officiels, les deux allées latérales sont réservées aux enfants de l'assistance et des écoles, les divers groupes, Vétérans, combattants, Mutilés, veuves, orphelins, parents des disparus sont en face du monument. Des deux côtés extérieurs de l'allée du milieu et sur les pelouses se placent les assistants.

Ces deux pelouses sont en plan incliné vers le monument et se prêtent merveilleusement aux circonstances. La garde d'honneur des marins du "Grondeur" et les douanes actives en tenue, la gendarmerie tiennent l'allée centrale. L'Harmonie est à la droite du bronze avec les drapeaux. Des mâts surmontés d'oriflammes aux couleurs françaises  complètent une décoration sobre, mais de bon goût.

L'Harmonie exécute une marche funèbre; puis M. Chaubac, maire, fait la remise du monument.

Un mutilé appelle les noms des disparus, deux autres mutilés répondent : "Mort pour la France".

M. Joseph Arramberri, grand mutilé de guerre, prononce, au nom des mutilés et des combattants, un discours, précis, concis, d'une haute portée morale, dont voici certains passages:

"Je viens à mon tour avec une émotion profonde, déposer devant ce monument qui doit perpétuer, avec le souvenir de nos deuils et de nos souffrances, la légitime fierté que nous inspire l'héroïsme de ceux que la guerre nous a pris, l'hommage de notre respect, de notre admiration et aussi, hélas, de notre regret.

Quel est celui qui abdiquerait avec indifférence une part de gloire, d'honneurs, de pureté morale si chèrement achetée.

Ceux qui ont vécu la guerre et souffert par la guerre n'oublieront certainement jamais.

Il y a quelque chose de plus précieux que la vie puisque des hommes en ont fait le sacrifice volontaire.

Et si tout Hendayais s'incline ici avec ferveur pour songer, ne fut-ce que quelques secondes

Que s'il vit sans nul remords

C'est parce que ses aînés sont morts et morts vraiment en hommes,

On pourra dire qu'un immense sacrifice ne s'est pas accompli en vain."

M. le maire prend la parole en termes émus, d'autant plus émus que M. Chaubac, ancien directeur des écoles, éleva la presque totalité des disparus. Voici en substance ce que dit l'ancien et excellent maître:

" J'ai aujourd'hui l'insigne honneur de remettre aux habitants de Hendaye ce monument destiné à commémorer bien avant dans la suite des temps le souvenir des héros Hendayais morts pour la France durant la plus terrible guerre qu'ait supportée l'humanité.

J'ai hâte d'adresser mes plus vifs remerciements à tous ceux qui, riches et pauvres, ont généreusement apporté leur part aux importantes sommes recueillies par souscriptions ou dons volontaires.

C'est ici que, désormais, les âmes de nos morts se sont donné rendez-vous."

L'orateur retrace la vie du poilu pendant la guerre, ses souffrances, ses espérances :

" Tous sont morts pour la France, Mères et veuves éplorées, vaillantes femmes de la ville et de la campagne, séchez vos larmes et haut les cœurs."

S'adressant aux combattants, aux mutilés :

"Je ne puis m'empêcher de vous honorer avec les morts, et de ne point séparer votre âme de la leur : ensemble elles furent à la peine, ensemble elles sont à l'honneur.

Morts glorieux de Hendaye, vous avez bien mérité de la Patrie."

M. Arthur Ramillon, président des Vétérans 1870-1871, fait déposer contre le socle de la statue une superbe couronne portée par une pupille de la nation ; en termes vibrants le vieux vétéran dit pourquoi la société s'est créée, non pas pour une question de retraite, mais uniquement pour perpétuer ce mot du grand tribun , Gambetta: "Pour l'Alsace et la lorraine, n'oubliez jamais." Aujourd'hui le vétéran est satisfait, l'immanente justice, par le courage et le sacrifice des poilus de 1914-1920, a fait son œuvre en réparant les effets funestes d'une attaque aussi brutale qu'injustifiée.

Au nom du gouvernement, M. Fauconnier, sous-préfet de Bayonne, prend la parole :

" L'hommage que je viens rendre au nom du gouvernement, aux grands morts de Hendaye se double d'une impression personnelle d'admiration que mon séjour en cette région, pendant la guerre, me permet aujourd'hui de ressentir et d'exprimer.

C'est ici peut-être que le sacrifice a été le plus lourd et la pure beauté de sa valeur morale suffit à la magnifier.

L'ancien maître aimé et respecté de tous a traduit, au pied de ce monument, dans un langage si plein de cœur et de douloureuse fierté, l'émotion de la municipalité qu'il préside et de la population qu'il représente.

Il a connu ces hommes devenus les martyrs glorieux d'une époque sanglante, son enseignement n'a pas été perdu. Et pourtant, s'il était un pays où l'on sentait la douceur de vivre, n'était-ce pas cette région privilégiée de la nature.

Ce n'était pas tout encore. Quatre années durant, les bruits de la tourmente vinrent expirer au bord de la Bidassoa, jusqu'au fond, en sortant de son apparente torpeur l'eau limpide de la baie se réveilla pour frissonner au vent de la victoire.

Aux plus sombres jours de la guerre, le deuil des cœurs n'empêchait pas de sentir ici l'avant-goût de l'atmosphère de paix.

Tout cela, les combattants mobilisés de Hendaye ne l'ignoraient pas. Quittant sans amertume et sans hésitation, pour un destin qu'ils savaient cruel, ce qui pouvait les retenir, ils allaient s'opposer à l'invasion dans le seul souci de bien tenir leur place et de répondre à l'appel de la patrie en danger.

Combien de ces soldats de la République sont restés sur les champs de bataille. Nous n'honorerons jamais assez ces morts, qui ont écrit la plus belle page de votre histoire locale.

L'œuvre que voici rappellera leur gloire. Pour nous-mêmes, l'image est de nature à nous unir, à nous réconforter.    

Telle est la leçon qui se dégage d'une cérémonie comme celle-ci : leçon vraiment humaine et qui justifie bien la parole de M. le ministre de l'instruction publique de l'Université de Bordeaux:

"Exalter la mémoire de nos morts et prolonger le souvenir de nos souffrances, ce n'est pas arrêter l'histoire à la page de la haine, c'est honorer l'humanité dans la cause de la France et la justice dans sa victoire."

M. le colonel de Gallé, du 49e d'infanterie de Bayonne, glorifia les morts locaux et apporta le salut de l'armée.

Les enfants de l'école laïque, sous l'habile direction de M. Labarrère, directeur des écoles, exécutèrent un cœur à quatre voix: "Ceux qui pieusement sont morts pour la France..."

L'Harmonie, dirigée par M. Caumille, joue la "Marseillaise". La manifestation, grandiose dans sa simplicité, est terminée. Le défilé des différentes délégations a lieu devant le monument; en passant, les enfants jettent des fleurs. La dislocation se poursuit dans le plus grand ordre, grâce aux dévoués commissaires.

Hendaye a glorifié ses morts avec une majestueuse simplicité, digne d'eux. –

J. Faget*”                                                                             

 

L’article de la Petite Gironde [33], daté du mardi 20 décembre 1921, s’attarde sur la cérémonie religieuse, puis décrit le monument et le groupe en bronze. La présentation du cortège et des discours s’accompagne d’une énumération très large de noms de personnes présentes aux côtés des personnalités officielles et de félicitations aux concepteurs de l’œuvre et aux membres du Comité :


“HENDAYE - Inauguration du monument aux morts

Inoubliable journée que celle du 18 décembre, où toute la population de Hendaye glorifia avec un recueillement impressionnant quatre-vingt dix huit de ses enfants morts pour la France. La pluie, tombée pendant la matinée, fit néanmoins trêve pendant la majeure partie de la cérémonie. Pas un vide à l'église pendant la messe; remarqués aux places réservées : MM, Choubac, maire; Fauconnier, sous-préfet de Bayonne; le colonel du 49e; V. Palacio et N. Estomba, consul et vice-consul d'Espagne; Homsy, commandant du "Grondeur"; Zaragueta et D. Martinez, maire d'Irun et de Fontarabie; capitaine de gendarmerie, chef de gare, inspecteur des douanes, receveur des postes et des contributions indirectes, commissaire spécial de police, Brastegui, conseiller municipal d'Irun.

A l'offertoire Mme E. Guillot fit entendre sa belle voix de mezzo soprano dans "Ils sont tombés", qu'un groupe de jeunes filles reprit en chœur.

Un enfant de Hendaye, ancien combattant, M. l'abbé Frapart, curé de la paroisse, monta en chaire et exalta en termes élevés les mérites de ses concitoyens tombés pour la défense du sol sacré de notre belle France. L'absoute est ensuite donnée et le cortège se forme aussitôt sur la place de la République; dans un ordre parfait on se dirige vers Castel-Zahar, où est érigé le monument aux sons de la marche funèbre de Chopin, exécutée par l'Harmonie municipale.

Des drapeaux flottent aux fenêtres, les magasins sont fermés et tous les yeux se mouillent au passage des pupilles de la nation, des veuves de guerre et des pères et mères de ceux dont on commémore le souvenir; la foule est telle que l'on avance avec lenteur.. Les personnages officiels cités plus haut, auxquels se sont joints M. l'abbé Frapart et tous les conseillers municipaux de Hendaye, MM. Irurétagoyéna, Biénabe, Lopétégui, Urtizbéréa, conseillers municipaux d'Irun; Labourdette, Dayries, membres du Comité; Uthurria Bru, directeur du Sanatorium, pénètrent dans l'allée principale jusqu'au pied du monument, dont la remise à la population est faite avec émotion par le maire.

Adossé à un nid de verdure, et dans le cadre incomparable où s'harmonisent la baie de Chingoudy, Ondarraitz et le cap Figuier, notre monument en granit rouge de Biriatou échappe à la banalité des obélisques et colonnes qui s'élèvent un peu partout; il est très heureusement complété par un groupe de bronze représentant une femme française coiffée du casque du poilu, tenant dans ses bras un soldat expirant. Il porte au sommet l'inscription suivante: "aux héros hendayais de la Grande Guerre"; puis sur les côtés, 1914-1918 et les noms des théâtres de la guerre où sont tombés nos concitoyens; leurs noms à eux sont gravés au centre en lettres d'or. L'appel aux morts, toujours impressionnant est fait par un grand blessé, M. J. Aramberri, président de l'U.N.C; y répondent deux braves mutilés, J.B. Murat et A. Délétoille. Un piquet de marins du "Grondeur" présentent les armes.

Prennent successivement la parole: le président de l'U.N.C, le maire, le sous-préfet, le président des Vétérans et le colonel du 49e. "L'Hymne à Victor Hugo" est chanté avec beaucoup de justesse par les voix fraîches et disciplinées des garçons de l'école laïque, sous l'habile direction de leur directeur, M. Labarrère. A son tour, l'Harmonie interprète avec ampleur un "andante" puis termine cette cérémonie par l'exécution de notre immortelle "Marseillaise".

Hendaye a bien glorifié ses morts. Les enfants du Nid Marin, du sanatorium, du pensionnat Suertégaray, du patronage des écoles laïques défilent, en se retirant, devant le monument aux morts qu'ils couvrent de fleurs; les Vétérans, les Mutilés, l'U.N.C., les Dames de France, le Pupilles de la Nation, etc., font de même.

La dislocation du cortège se fait sur le Boulevard de la Plage. Très nombreuses et très belles sont les couronnes dont les plus remarquables ont été offertes par la ville de Hendaye, la ville d'Irun, l'U.N.C., les Mutilés, les Vétérans, les Sociétés Françaises de Saint Sébastien, l'U. des Dames de France, le pensionnat Suertégaray, les écoles libres, l'Amicale laïque des jeunes filles, le Nid Marin, etc. que M. Rémy, le fleuriste si apprécié, dispose avec un goût exquis.

Nous adressons, en premier lieu, nos plus cordiales félicitations à MM. Ducuing, le talentueux statuaire bigourdan, et à M. H. Martinet, architecte paysagiste, conseiller municipal, qui en a conçu les plans, pour l'œuvre de goût qu'ils nous ont donnée en collaboration. Tous nos remerciements vont ensuite à un modeste parmi les modestes, M. L. Adamski, architecte municipal, dont le dévouement désintéressé n'a pas faibli un seul instant pendant toute la durée des travaux. Nous n'aurons garde d'oublier les membres du comité, qui ont également payé de leur personne, ainsi que les commissaires, anciens combattants, MM. Nury, Mortet, Bonnin , C. Imatz, Hablans et Laurent Pardo, qui furent des ordonnateurs parfaits”.


L’article du Courrier de Bayonne et du Pays Basque [34], daté du mardi 20 décembre 1921, plus concis que les précédents, s’attache surtout à citer les personnalités et un rapide aperçu de leurs discours et met en exergue la couronne offerte par la municipalité de Fontarrabie, comme symbole de la sympathie témoignée par nos voisins espagnols :  


“HENDAYE - MONUMENT DES MORTS

Dimanche dernier a eu lieu la fête de l’inauguration du monument consacré aux morts de la Guerre. Un service solennel célébré à 9h.1/2 réunissait tout d’abord une foule immense et recueillie. Madame Guillot y fit entendre un « Pie Jesu » d’une piété touchante et remarquablement exécuté.

A la sortie de l’église le cortège se formait devant la mairie. C’était en premier lieu un défilé interminable d’enfants appartenant au Sanatorium, au « Nid Marin », à l’école Suertegaray, à l’école paroissiale et aux écoles publiques de la ville. Puis venaient les Vétérans, l’Union des Combattants, la Société des mutilés, les familles des morts encadrées d’un piquet de marins, enfin les autorités parmi lesquelles on voyait M. le sous-préfet de Bayonne, le colonel du 49e, le commandant du « Grondeur », les consul et vice consul d’Espagne, le maire de Fontarabie, les adjoints au maire d’Irun, la municipalité de Hendaye. De nombreuses gerbes ou couronnes s’intercalaient dans le cortège, offertes par les diverses écoles ou sociétés. La couronne offerte par la municipalité de Fontarabie était particulièrement belle et significative de la sympathie que nous témoignèrent toujours nos voisins d’Espagne.

Au pied du monument, M. le maire de Hendaye en fait la présentation à la population. Il remercie tous ceux qui y ont apporté leur souscription et aussi tous ceux « qui ont consacré leur talent et leur temps » à l’érection de cette œuvre d’art.  La musique joue le Largo de Haendel, avec goût et finesse. M. Aramberri, mutilé de guerre fait l’appel des morts et la lugubre litanie « Mort pour la France » se répète cent fois aux oreilles émues des assistants. Au nom des mutilés, M. Aramberri prononce un discours d’une rare éloquence et tire la leçon de sacrifice et de devoir qui se dégage de l’héroïsme de nos morts. M. le Maire retrace ensuite la vaillante conduite de ceux que nous pleurons et les assure au nom de la population d’un souvenir reconnaissant et éternel, M. Ramillon se lève au nom des Vétérans et adresse aux morts les remerciements de l’ancienne génération meurtrie par la défaite et les humiliations imposées par la violence et salue avec joie l’heureuse restauration de la justice et du droit. M. le sous-préfet apporte ensuite le salut du gouvernement et recommande l’union dans le travail, seule source de régénération et de prospérité pour la France de demain. M. le colonel du 49e exprime les hommages de l’armée dont les morts sont la gloire et l’encouragement. Après les discours, les enfants des écoles chantent un hymne à l’honneur des héros et leurs voix pures et bien exercées firent belle impression. La musique clôture cette belle cérémonie par l’hymne de « la Marseillaise » pendant lequel les enfants défilent devant le monument en le couvrant des fleurs qu’ils avaient apportées.

En somme, excellente journée dont chacun conservera le plus vivant souvenir et un amour plus grand pour nos morts qui se sont immolés et pour la France dont nous leur devons le salut et la victoire”.

    

L’article de El Bidasoa [35], hebdomadaire d’Irun, daté du dimanche 25 décembre 1921, décrit la messe solennelle, puis l’aspect du monument et mentionne la couronne dédiée par le peuple d’Irun (Traduction assurée par Pedro Sanchez Blanco) :


“À Hendaye - Hommage aux morts de la Grande Guerre

Dimanche dernier on a célébré dans la Ville voisine de Hendaye l’acte d’inauguration du monument dédié aux 98 hendayais morts sur les champs de bataille.

Ce fut un jour inoubliable pour nos voisins hendayais et on peut affirmer que toute la population a adhéré à cet hommage en y participant avec un recueillement saisissant.

À 10 heures fut officiée une messe solennelle dans une Église paroissiale comble. Etaient présentes les autorités avec son Maire M. Choubac, le sous-préfet de Bayonne M. Fauconnier, MM. Palacio et Estomba Consul et vice-consul d’Espagne, le colonel de la 49ème de ligne, don Serapio Zaragüeta et don José M. Barastegui Maire et adjoint au Maire d’Irun, don Daniel Martinez Maire de Fontarrabie, le Commandant du Grondeur, capitaines de gendarmerie et douaniers, commissaire de police et autres autorités.

Durant l’office les chœurs d’enfants dirigés par Mme. E. Guillot entonnèrent “Ils sont tombés”.

La cérémonie religieuse terminée se forma un imposant cortège dont on peut assurer qu’il rassemblait tout Hendaye, se dirigeant vers Castel-Zahar, précédé par la fanfare municipale qui joua l’émouvante marche funèbre de Chopin.

Face à la baie de Txingudi, devant ce beau cadre dressé par la nature eut lieu l’inauguration du Monument que la Ville de Hendaye dédie à ses enfants morts pour la France.

Il représente une femme française couverte d’un casque de poilu, soutenant dans ses bras un soldat mort, ce groupe sculpté est entouré d’un mur en granit rouge formant un arc de cercle qui porte sur son sommet l’inscription “Aux héros hendayais de la Grande Guerre”. Sur le mur apparaissent les noms des morts et des batailles où ils perdirent la vie pour leur Patrie.

Un peloton de marins de la canonnière “Grondeur” rendit les honneurs.

M. S. Aramberri Président de l’Union des Combattants, un des premiers blessés dans la guerre, prit le premier la parole, suivi de celle de ses compagnons J. B. Murat et A. Deletoile.

Parlèrent ensuite le Maire de Hendaye, le sous-préfet de Bayonne et d’autres personnalités.

Une fois déposées diverses couronnes, celle que dédia le peuple d’Irun attirant l’attention entre toutes les autres, un défilé eut lieu le long du Boulevard de la Plage.

La cérémonie se termina par l’interprétation de la Marseillaise.

C’est de cette manière que la population de Hendaye honora ses héros”.


Les 98 noms inscrits sur le Monument aux morts de la Grande Guerre 

 

98 noms de soldats hendayais sont inscrits sur la partie centrale en hémicycle du monument.
Sur les deux pilastres qui encadrent le monument figurent les noms des régions et des batailles ont les troupes du Sud-Ouest ont été en majorité engagées.
 

Vue d’ensemble de l’hémicycle supportant les 98 noms des morts hendayais de la Grande Guerre            

 

  

Les 98 noms d’hendayais figurant sur le monument aux morts de la Grande Guerre



                

Régions et batailles de la Grande Guerre où les troupes du Sud-Ouest se sont le plus signalées

 

On se reportera aux fiches établies pour chaque soldat décédé où figurent sa date et son lieu de naissance, sa profession, son régiment, son grade, ses éventuelles décorations, la date, le lieu et les conditions de son décès, ainsi que le lieu de sa sépulture [36].      

 

Après l’inauguration du Monument 

 
Oubliant la polémique née de la non inscription des signatures des architectes, le maire Jean Choubac adressa dès le 20 décembre 1921 une lettre de remerciements et de félicitations à Henry Martinet [37] :
 

“Hendaye, le 20 décembre 1921

Le Maire de Hendaye

à Monsieur H. Martinet

129 rue du Faubourg St-Honoré

Paris

Monsieur,

Cest dimanche dernier, 18 courant qu’a eu lieu la cérémonie d’inauguration du monument aux Morts pour la Patrie. Je vous ai aperçu dans la foule ; je pensais bien, en effet, que vous ne seriez pas resté loin de nous ce jour là, parce que votre cœur bat à l’unisson du nôtre.

Comme moi vous avez pu recueillir les réflexions admiratives suggérées par la beauté du Monument. Elles s’adressent à vous, auteur du Monument et à tous vos collaborateurs dans l’œuvre.

J’ai le devoir personnel, et je m’en acquitte volontiers, de vous adresser mes plus vives félicitations et mes meilleurs remerciements pour la belle œuvre que vous avez conçue et qui se dresse à jamais sur l’un des plus beaux sites de notre France, en hommage éternel à nos braves héros de la grande guerre, votre bien aimé fils y compris.

Je vous prie d’agréer, Monsieur Martinet, l’expression de mes sentiments reconnaissants et dévoués.

Le Maire”

 

Sans omettre de féliciter également Louis Adamski [38] :

 

“Hendaye, le 20 décembre 1921

Le Maire de Hendaye

à Monsieur Adamski

Monsieur,

Vous avez pris une part très active et très désintéressée à l’érection du monument aux Morts pour la France.

J’ai le devoir personnel, et je m’en acquitte volontiers, de vous adresser mes plus vives félicitations et mes meilleurs remerciements pour la mise en parfait état de notre monument et de ses abords en vue de la cérémonie d’inauguration.

Veuillez agréer, Monsieur Adamski, l’expression de mes sentiments bien reconnaissants et dévoués.

Le Maire”

 

Henry Martinet n’avait pas encore enterré la hache de guerre, comme on peut le constater dans sa réponse du 26 décembre 1921 [39] au maire de Hendaye :

 

“Paris, le 26 décembre 1921

Monsieur Choubac,

Maire de Hendaye

Personnelle

Cher Monsieur Choubac,

En réponse à votre lettre du 20 courant, je viens vous remercier des félicitations que vous avez bien voulu m’adresser en votre nom personnel , pour ma conception du monument aux Morts de Hendaye ; dans la circonstance, vous le savez, j’ai fait de mon mieux et de tout cœur, pour rendre non seulement, un hommage à nos chères et vaillantes victimes de la guerre, mais aussi pour doter la commune de Hendaye d’un monument digne d’elle, et sortant, autant que possible, de la banalité courante.

Les témoignages de sympathie que j’ai reçus à cette occasion, d’une élite, font compensation aux manifestations en sens contraire.

Cependant, ce que j’ai appris au cours de mon dernier voyage à Hendaye m’a mis dans l’obligation de vous écrire officiellement pour vous demander communication de la délibération  du Conseil Municipal. J’ai reçu cette communication que vous avez bien voulu m’envoyer, et je vais être obligé de vous écrire une lettre officielle, pour demander des rectifications à cette délibération.

Le simple souci de ma dignité personnelle ne me permet pas, en effet, après ce que j’ai appris, de considérer aujourd’hui, comme clos, ainsi que je vous l’avais écrit, un incident qui n’aurait pas dû se produire et au sujet duquel chacun devra prendre ses responsabilités.

Veuillez agréer, Cher Monsieur Choubac, l’assurance de mes sentiments bien cordialement dévoués.

H. Martinet”    

 

Pour mettre mieux en évidence le groupe sculptural en bronze, il fut décidé, en octobre 1922, la pose d’une pierre de taille en grès rouge, pour surélever le socle :  

 

“Ville de Hendaye

Monument aux morts

Surélévation du socle supportant le groupe en bronze

Fourniture, taille, pose de pierre de taille, grès rouge de ASCARAT, compris déplacement du groupe en bronze et remise en place, le dit socle ayant 1,96m de long, 1,26m de large, et 0,22 de hauteur, toutes plus-values comprises : 700,00 frs.

Dressé par l’architecte soussigné

Hendaye, le 4 octobre 1922

Adamski”

Surélévation du socle supportant le groupe en bronze


Puis, en août 1923, on se préoccupa de dresser une clôture du monument [40] :  


“VILLE DE HENDAYE

Clôture du Monument aux Morts pour la France

TRAITÉ DE GRÉ A GRÉ

Entre les soussignés:

M. CHOUBAC, Maire de Hendaye à ce autorisé par délibération du Conseil Municipal, en date du 23 juin 1923, approuvée par M. le Préfet, le 6 juillet 1923, d'une part ;

Et M. ALZATE, entrepreneur demeurant à Hendaye  d'autre part ;

A ETE DIT ET CONVENU CE QUI SUIT :

M. Alzate s'engage à fournir à pied d'œuvre et taillée, la pierre d'Ascarat, destinée à former la clôture du Monument aux Militaires morts pour la France, pour la somme de MILLE CINQ CENT SIX FRANCS CINQUANTE CENTIMES (1.506,50), savoir :

17 mètres de bordure au prix de 34Frs le mètre linéaire ;

5 pilastres au prix de 120 Frs l'un ;

9 socles  au prix  de 36,00 Frs l'un.

M. CHOUBAC, au nom de la commune, s'engage à acquitter à M. Alzate la somme de 1.506f50, après l'approbation du présent  traité par M. le Préfet.

Les frais de timbre et d'enregistrement du présent marché, sont à la charge de l'entrepreneur.

                                                           Fait à Hendaye, le 2 août 1923

L'entrepreneur                                                                                  Le Maire

Alzaté                                                                                                Choubac

 

Vu et approuvé

Pau, le 10 août 1923

Le Préfet”


                 

Pilastres de la clôture du Monument aux morts

 

Une commémoration toute particulière en 1936 

 

Photo probablement prise le 11 novembre 1936

 

Sur cette photo, qui date vraisemblablement du 11 novembre 1936, figurent des réfugiés républicains espagnols. Son propriétaire est le fils d'Anastasio Blanco Elola, chancelier du consulat de la République espagnole à Hendaye pendant la guerre civile. Il est sur la photo, ainsi que Florencio Iracheta, dirigeant socialiste d'Irun, qui fut fusillé quelques années plus tard à Burgos lors de la prise de la ville.


Une extension du monument après la Seconde Guerre Mondiale 

 
La Grande Guerre fut malheureusement suivie de la Guerre de 1939-1945. Après l’armistice du 8 mai 1945, les communes eurent à cœur de rendre hommage à leurs soldats morts pour la Patrie au cours de cette seconde guerre mondiale.
 
Auguste Etchenausia venait d’être élu maire de Hendaye lors de la séance du 4 novembre 1950 du Conseil municipal, succédant à Philippe Labourdette. Une souscription publique avait été ouverte pour procéder aux travaux d’extension du monument aux morts.
On retrouve dans les délibérations de la séance du 27 novembre 1950 du Conseil municipal le montant atteint par la souscription publique et le vote des crédits nécessaires aux travaux d’agrandissement du monument : “Monument aux Morts : la souscription publique ayant rapporté 436.680 frs, le Conseil Municipal vote un crédit de 200.000 francs pour compléter le financement des travaux envisagés”.
 
Madame Faget a retrouvé le reçu du don de 1.000 frs qu’elle avait fait, le 19 février 1949, pour participer au financement de cette opération et nous l’a aimablement confié.  
 

  Reçu du don de Madame Faget à la souscription publique pour l’érection du Monument aux morts de 39-45


La réalisation de cette extension du monument dédiée aux morts de la seconde guerre mondiale fut confiée à Edmond Durandeau, lui qui avait vu son projet initial abandonné en 1920.

 

Edmond Durandeau avec ses petits-enfants,

devant la Maison Rouge, en 1960

 

Edmond Durandeau réalisera cet agrandissement en 1951 en rajoutant, de chaque côté de l’hémicycle du monument existant, un mur de la même pierre.
 
Sur le mur de droite en regardant le monument furent inscrits les noms des soldats hendayais morts en 39-45.
 
Sur le mur de gauche en regardant le monument furent inscrits les noms des déportés hendayais de 39-45, puis plus tard les noms des soldats hendayais morts en Indochine et en Afrique du Nord.                          
 

           

 Déportés hendayais de 39-45                                    Morts hendayais de 39-45              

 

Ultérieurement, une plaque fut apposée sur le devant du socle de la statue en bronze : “Aux Fusillés et aux Victimes de la Barbarie Nazie”.
Puis deux hendayais déportés déposèrent l'urne contenant la terre et les cendres des camps de concentration, qui se trouve au pied du monument, sous la plaque précédente : ils ont pour noms Jean Arruabarena, radio-électricien à Hendaye, déporté au camp de Sachsenhausen, n° 58 398 et Gérard Lafon, mécanicien, déporté au même camp, n° 58 509.

 

Plaque commémorative et urne des cendres de la déportation


Érection d’une stèle “Croix de Lorraine”

 

Dans un passé plus récent, fut érigée en marge du Monument, sur son versant droit, une stèle portant la croix de Lorraine, dédiée “aux évadés de France, aux Forces Françaises Libres et à la Résistance”.


            

 Stèle Croix de Lorraine : “Aux évadés de France, aux FFL, à la Résistance”

 

Intégration du jardin de la villa Apollonie à l’espace vert du Monument

 

En 1980, fut envisagée l’intégration du jardin de la Villa Apollonie dans l’espace vert du Monument aux morts. Une note de la mairie de Hendaye du 20 août 1980 précise que “la cessation de la location de la Villa Apollonie à des privés a permis d’attribuer la jouissance de l’immeuble bâti à l’Amicale Laïque. Le jardin d’une superficie de 3 000 m2 environ n’est pas attribué à cette association mais au contraire est destiné à être aménagé pour devenir public. Pour ce faire il sera relié et intégré au jardin public du monument aux morts après aménagements d’allées en continuité de celles desservant les promenades existantes. Il sera également créé une extension de l'éclairage public. Le montant total des travaux est estimé à 120 000 francs” [41].


Un plan à l’échelle 1/500ème avait été dessiné :  

 

Plan au 1/500ème du projet d’extension de l’espace vert du Monument aux morts

 
Ces documents furent annexés à la délibération du Conseil municipal du 9 octobre 1980 qui “vota l’exécution du projet dès que la décision en matière de subvention serait connue et s’engagea à inscrire au budget de 1981 le crédit nécessaire pour financer ce programme” [42].
 
Un appel d’offres fut lancé le 9 avril 1981 auprès de six entreprises pour l’agrandissement du jardin public du Monument aux morts : “Ces travaux comprennent essentiellement le débroussaillage et arrachage de plantations, la création d’allées, le réglage, nivellement et ensemencement de pelouses” [43].

 

 

 La Villa Apollonie et le Monument aux morts


Le Monument aux Morts aujourd’hui 

 

   





Documents consultés 

 

[1] Lettre du 7 décembre 1918.

[2] Procès-verbal de l’installation du Conseil municipal et de l’élection d’un Maire et de deux adjoints, le 19 mai 1912.

[3] Mairie de Hendaye - Extrait du Registre aux délibérations du Conseil municipal - Séance extraordinaire du 15 Mai 1919.

[4] Procès-verbal de l’installation du Conseil municipal et de l’élection d’un Maire et de deux adjoints, le 10 décembre 1919.

[5] Commune de Hendaye - Monument aux morts pour la Patrie - Note explicative - 10 novembre 1920.

[6] Séance du Comité du Monument commémoratif “Aux Morts pour la Patrie”- 1920.

[7] Commune de Hendaye - Plan - Emplacement du Monument commémoratif - 20 septembre 1920.

[8] Ville de Hendaye - Recette de la soirée récréative du 5 janvier 1919.

[9] Ville de Hendaye - Note du 4 mai 1920 sur les pièces comptables de ravitaillement remises le 9 février 1920.

[10] Lettre du 27 octobre 1920, de Jean Choubac à Léon Iruretagoyena.

[11] Modèle en plâtre de la sculpture de Paul Ducuing.

[12] Devis du 30 juillet 1920 de la Maison Barbedienne, pour l’exécution du modèle en bronze du groupe “La France tenant un Poilu expirant”.

[13] Commande de la sculpture à Paul Ducuing, le 23 août 1920.

[14] Devis approximatif pour la construction du Monument aux morts de la Grande Guerre, dressé le 23 septembre 1920.

[15] Lettre de Henry Martinet au maire demandant la liste des morts et les noms des lieux et batailles à inscrire sur le Monument aux morts.

[16] Extrait du registre aux délibérations du Conseil municipal - Séance ordinaire du 8 avril 1921 - Adjudication restreinte des travaux de terrassement, maçonnerie, etc… , au Monument commémoratif.

[17] Extrait du registre aux délibérations du Conseil municipal - Séance ordinaire du 3 mai 1921 - Ouverture d’un crédit de Frs : 50503,83 pour l’érection du monument aux morts pour la France.

[18] Lettre du 6 février 1921 de Paul Ducuing au maire de Hendaye.

[19] Lettre du 25 avril 1921 de Paul Ducuing au maire de Hendaye.

[20] Facture de l’entreprise de peintures Th. Labranque à la mairie de Hendaye.

[21] Lettre du 20 février 1922 de Louis Adamski au maire de Hendaye.

[22] Lettre du 22 février 1922 de J.-P. Etchecoin à Louis Adamski.

[23] Mémoire du 10 mars 1922 de l’Union Ouvrière Larrey Biénabe Minvielle de Hendaye.

[24] Lettre du 22 mars 1921 de Paul Ducuing au maire de Hendaye.

[25] Lettre du 19 avril 1921 de Paul Ducuing au maire de Hendaye.

[26] Lettre du 26 juillet 1921 de Paul Ducuing au maire de Hendaye.

[27] Lettre du 11 décembre 1921 de Henry Martinet au maire de Hendaye.

[28] Lettre du 11 décembre 1921 de Henry Martinet à M. Ithurria, secrétaire du Comité du Monument aux morts.

[29] Lettre du 28 décembre 1921 de Henry Martinet au maire de Hendaye.

[30] Lettre du 24 janvier 1922 de Henry Martinet au maire de Hendaye.

[31] Lettre du 28 décembre 1921 du Préfet des Basses-Pyrénées au maire de Hendaye.

[32] Article de la Dépêche paru dans la semaine du 19 décembre 1921.

[33] Article de La Petite Gironde paru le mardi 20 décembre 1921.

[34] Article du Courrier de Bayonne et du Pays Basque paru le mardi 20 décembre 1921.

[35] Article de El Bidasoa, hebdomadaire d’Irun, paru le 25 décembre 1921.

[36] Fiches individuelles des soldats hendayais morts pendant la Grande Guerre.

[37] Lettre du 20 décembre 1921 du maire de Hendaye pour remerciements et félicitations à Henry Martinet.

[38] Lettre du 20 décembre 1921 du maire de Hendaye pour remerciements et félicitations à Louis Adamski.

[39] Lettre du 26 décembre 1921 de Henry Martinet au maire de Hendaye. 

[40] Commande du 4 octobre 1922 de Louis Adamski pour surélévation du socle.

[41] Note du 20 août 1980 de la mairie de Hendaye sur le projet d’intégration du jardin de la Villa Apollonie dans l’espace vert du Monument aux Morts.

[42] Extrait du registre aux délibérations du Conseil municipal - Séance du 9 octobre 1980 – Projet d’espace vert d’Apollonie, demande de subvention.

[43] Appel d’offres du 9 avril 1981 pour l’agrandissement du jardin public du Monument aux Morts.



Remerciements


Nous tenons tout particulièrement à remercier le personnel des Archives départementales de Bayonne et celui de l’état-civil de Hendaye pour leur accueil, leur gentillesse et leur disponibilité, ainsi que les personnes qui nous ont communiqué des documents ou des éléments intégrés dans ce dossier.